Photo numerique


Reproduction de l'interview du Dr Eric PIERARD, 560 avenue du stade59240 DUNKERQUE


1/ Quel est l'interet d'acheter un appareil photo numérique lorsqu'on possède déjà un appareil argentique?Dr Eric PIERARD :
La passion pour la photo argentique et l'usage du numérique au Cabinet ne sont pas incompatibles ! Certains dermatologues trouvent parfaitement leur compte en argentique, ce d'autant qu'ils ont déjà investi dans un appareil argentique performant, doté d'objectifs de qualité, et qu'ils utilisent un classement efficace de leurs diapositives. J'ai travaillé pendant près de 8 ans au Cabinet avec un bon appareil argentique Reflex MINOLTA X-700. Il comportait un flash annulaire, un bon zoom macro avec bague-allonge, et un adaptateur Dermatophot Heine pour photographier les dermoscopies. L'appareil fonctionnait avec système de flash TTL et les réglages permettaient de ne rater quasiment aucune photo. Malgré tout, j'ai apprécié les nombreux avantages du passage au numérique, comparé à l'argentique :- l'appareil numérique compact est plus léger, il se transporte plus facilement qu'un reflex argentique - finie la crainte de gâcher de la pellicule, ou de devoir prendre plusieurs clichés avec différents réglages pour être sûr de réussir : en numérique, on peut vérifier immédiatement l'exposition et la netteté de la prise de vue grace à l'écran à cristaux liquides (ou LCD). La photo est mauvaise ? On l'efface et on la recommence. Quel photographe argentique n'a pas connu la frustration de la pellicule mal attachée ou de la diapo inexploitable, et bien entendu, justement quand on avait immortalisé « un beau cas clinique » ! - disparition de l'achat de la pellicule, d'attendre et de payer le développement des diapos, sans parler du déplacement au laboratoire. Une photo numérique est disponible immédiatement.- abolie la barrière des 36 poses ! Une carte mémoire de 512 Mo, dans un appareil numérique de 4 millions de pixels peut enregistrer plus de 300 photos en résolution JPEG la plus fine ! De quoi avoir le déclencheur facile !- les photos numériques sont facilement duplicables à l'infini. L'information étant numérique, la photo est inaltérable si l'on prend soin de graver sur un support CD-ROM de bonne qualité et si le lieu de stockage est tempéré.- le problème de l'encombrement lié au stockage des diapos est résolu par le numérique, même si l'effort de classement et d'archivage subsiste. - il faut scanner la diapo si on souhaite partager l'image, que ce soit sur internet, par email (en pièce jointe) ou sur une page Web, voire en FMC dans une présentation de type Powerpoint / Impress OpenOffice. La photo numérique autorise un partage du cliché presque immédiat. - en argentique, il est difficile de comparer les détails de deux images diapo, sauf à posséder deux projecteurs ou à faire deux tirages papier. Un simple logiciel bon marché comme ACDSee 8 permet de comparer sur un même écran d'ordinateur 2 à 4 images. Voilà qui est bien pratique, par exemple pour la surveillance de naevi, la comparaison de deux dermoscopies ou pour un comparatif avant /après en dermo-cosmétologie. - une diapositive trop sous-exposée ou un peu floue est difficilement exploitable. Par contre, un cliché numérique peut être « ressuscité » par le logiciel de retouche d'image, sauf bien entendu en cas de flou trop important ou de surexposition excessive. Il en est de même avec les distorsions chromatiques.- enfin, la photo numérique peut facilement être imprimée chez soi. Si le nombre de clichés est trop important ou si le temps manque, il est pratique de confier l'impression à un site web professionnel : sans se déplacer, en lui transmettant les fichiers de photos via sa connection à internet (idéalement nécessite une connection cable ou ADSL).
2/ Peut-on faire d'aussi belles photos avec un numérique qu'avec un argentique?Certainement, beaucoup de professionnels de la photographie argentique qui ont longtemps rechigné au passage vers le numérique se sont finalement laissés séduire... « J'ai découvert que le numérique est un moyen plus organique et naturel de voir que le film. Il reproduit mieux ce que voit l'oeil humain. Vous attrapez votre appareil, prenez une photo, et tout de suite, c'est interactif. Avec le film, ce n'est pas possible. De plus, avec les derniers équipements qui sont sortis, c'est nettement mieux que le film. » (Jim Brandenburg, Guide pratique de la photo numérique, National Geographic Ed. 2003). Les derniers appareils reflex numériques ont fait de gros progrès dans la gestion du bruit (ce que l'on appelle « grain » en argentique) dans les sensibilité de 800 ISO et plus. Les compacts peinent encore dès 400 ISO. Depuis que des résolutions de plus de 8 millions de pixels sont disponibles, les agrandissements de qualité sont possibles. Pour les reflex destinés aux amateurs exigeants, plus abordables que les modèles « professionnels », la vitesse de déclenchement et l'intervalle entre deux prises de vues rapprochées deviennent très satisfaisants. Par exemple le reflex Canon 350D permet la prise de 14 photos en rafale à raison de 3 images/seconde. La gamme d'optiques optimisées pour les reflex numériques est désormais large. L'amateur de téléobjectifs ne souhaitant pas investir dans un reflex s'orientera vers un numérique « bridge » à zoom stabilisé, ce qui évite les flous. Le mode de prise de vue en mode tout automatique des compacts numériques est pratique pour les néophytes, et le résultat souvent très bon. Le photographe expert appréciera de pouvoir retrouver la maîtrise sur l'appareil grace aux modes tout manuel, priorité ouverture ou vitesse. En dehors du Cabinet, la photo numérique de paysages, de portraits etc autorise une grande créativité grace aux logiciels de retouches d'image. Des logiciels spécialisés permettent de corriger finement toutes les composantes de l'image, et même la distorsion ou le vignettage propre à chaque modèle d'objectif reflex.
3/ Quels conseils donneriez-vous a une personne sensible a vos arguments et souhaitant acquérir un appareil photo numérique ?En pratique, au Cabinet du dermatologue, un appareil numérique compact de milieu de gamme donnera satisfaction, tant pour la macro que pour photographier un hémi-corps, pour peu que l'on prenne la peine d'apprivoiser l'appareil et ...de lire sa notice ! Les ultra compacts sont jolis et légers, mais la miniaturisation alourdit le prix d'achat.Un numérique « bridge » est déconseillé, a-t-on vraiment besoin d'un zoom puissant x12 en Cabinet ? De plus, la visée se fait grace à un écran de type camescope, ce qui peut s'avérer inconfortable ou imprécis. L'objectif n'est pas interchangeable. A l'opposé du reflex qui permet la polyvalence et la photo « expert » en extérieur, mais attention au poids ! A signaler qu'un objectif reflex destiné à l'argentique peut sous certaines conditions être adapté à un reflex numérique de même marque. En raison des différences de taille entre les capteurs numériques et le format 24x36, la focale est multipliée par 1,5 environ : p. ex. un objectif 300 mm devient un téléobjectif 450 mm !L'ergonomie de l'appareil est primordiale ! Il faut se rendre en magasin et le manipuler : poids, prise en mains agréable ou non, boutons et molettes facilement accessibles, menus de navigation aisés... Partager également l'expérience « sur le terrain » des collègues dermatologues qui possèdent déjà un appareil numérique, par exemple lors de réunions de FMC dédiées au numérique. L'appareil numérique compact « minimal » devrait rassembler les caractéristiques suivantes :- 4 à 5 millions de pixels au moins (bien suffisants !), - zoom x3 ou 4,- un grand écran LCD confortable d'au moins 5 cm de diagonale,- fonction macro minimale entre 3 à 5 cm,- carte mémoire 256 ou 512 Mo, format d'enregistrement TIFF ou RAW non indispensables,- option de balance des blancs personnalisable (important entre autres pour la dermoscopie ou l'adjonction d'un flash annulaire à LED),- accès aux modes créatifs « PSAM » : P (programme) , S (priorité vitesse), A (priorité ouverture) et M (tout manuel).Je pense qu'un appareil qui permet de conserver en mémoire un ou deux réglages personnalisés est un « plus »: il n'est pas besoin de reconfigurer ses réglages optimaux à chaque allumage, pour la macro par exemple. En l'occurence, la plupart des Canon possèdent deux réglages personnalisables C1 et C2, à sélectionner directement sur la molette près du déclencheur.S'assurer éventuellement que l'objectif de l'appareil permet d'adapter son dermatoscope. A ce sujet, je trouve pratique de posséder un deuxième compact numérique dédié à la prise des clichés de dermoscopie : la bague et l'adaptateur photo spécifique au dermatoscope n'ont pas à être montés/démontés dès que l'on veut prendre une photo clinique. On trouve sur le Web de bons numériques d'occasion pour moins de 150 euros (par exemple le Nikon Coolpix 4300 qui s'adapte sur le dermoscope Heine Delta 20 grace à une bague spéciale).Il est recommandé de s'acheter une sacoche épaisse et de bonne qualité pour transporter l'appareil numérique : les chutes même minimes peuvent être fatales.Enfin, avant d'acheter, lire, comparer les appareils et les tests photo sur un site web spécialisé, par exemple sur megapixel.net
4/ Quelles sont les applications de la photo numérique en dermatologie?Certaines sont communes avec la photo argentique : archivage des lésions tumorales en macro avant exerèse, prises de vues pour comparatif et surveillance des patients présentant ses naevi à risque, avant ou après geste en dermo-cosmétique, prise de photo en dermoscopie. La facilité de stockage autorise à avoir le déclencheur « facile » ! Le numérique autorise la réalisation d'un CD-ROM qui pourra être remis au patient pour l'inciter à l'auto-surveillance des naevi naevo-cellulaires, ce qui n'est pas possible en argentique.Je me souviens d'un confrère qui photographiait lors des congrès certains posters, pour en discuter au cours des réunions de bibliographie.Très pratique encore, le partage par courrier électronique des cas cliniques intéressants ou «pour avis diagnostique», en joignant une à trois photos par email. Dès le soir de la consultation, les photos sont transférées sur l'ordinateur et prêtes à être partagées entre collègues.Après redimensionnement et recadrage par logiciel, une photo numérique dermatologique s'incorpore dans une page web grace à son format natif JPEG, qui est reconnu par les logiciels de navigation de type Internet Explorer ou FireFox. Plusieurs atlas de photos dermatologiques sont en accès libre sur le web.Enfin, il existe des logiciels permettant de calibrer fidèlement les couleurs lors d'études de type suivi-comparatif en vue d'une publication. Le principe : une grille-étalon de 12 couleurs est photographiée dans le coin inférieur droit du champ, à coté du patient. Puis intervient le logiciel : la photo est affichée à l'écran, une mire grillagée rectangulaire est déplacée à la souris, pour être superposée à l'étalon dans le coin inférieur de la photo. Ensuite, en comparant l'étalon photographié à l'étalon mémorisé, le logiciel rectifie et normalise les couleurs du cliché, permettant de gommer les distorsions chromatiques liées aux variations de la lumière ambiante de la pièce (voir p. ex. le logiciel RGBToolbox du Pr Y. Vander Haeghen (Gent, Belgique) disponible ici : http://uzdermis.ugent.be/yvdh/tabid/98/Default.aspx).Pour conclure, je suggère vivement aux dermatologues intéressés par le numérique et qui souhaitent en savoir plus, de participer à des ateliers de FMC dédiés. Après exposé des notions théoriques sur les images et le matériel, des exemples « vécus » permettent de corriger les difficultés courantes rencontrées en prise de vues numériques au Cabinet. Puis des exercices pratiques permettent de manipuler les logiciels phare de classement, de renommage et de retouche d'images.
 

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