Chirurgie dermatologique : une place a part entiere

Dr Patrick GUILLOT, Praticien hospitalier


- Service de Dermatologie, Hôpital du Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux

- Centre Médico-Chirurgical Wallerstein, 33740 Arès

http://www.docvadis.fr/dr.patrick.guillot/index.html

- Quelle est la place de la chirurgie en dermatologie?
Dr Patrick GUILLOT
« A l’heure où la dermatologie voit son activité menacée dans de nombreux domaines, la chirurgie dermatologique trouve toute sa place dans nos cabinets. Place reconnue, notamment, dans le cadre du Plan Cancer avec le dépistage et le traitement du mélanome et des carcinomes cutanés. Aujourd’hui en France, la majorité des cancers cutanés sont ainsi pris en charge en première intention par les dermatologues. Les cancers cutanés sont d’ailleurs ceux qui présentent la progression la plus importante. Le dermatologue formé à cette chirurgie doit donc être l’expert reconnu de la chirurgie cutanée carcinologique.

- Quelles normes de sécurité le dermatologue doit-il respecter? Quels sont les rérérentiels sur lesquels il peut se baser
Dr Patrick GUILLOT
« Il faut se référer au Guide de 2004 sur les bonnes pratiques pour la prévention des infections liées aux soins réalisés en dehors des établissements de santé (revu en 2006). Au minimum, il faut une salle d’intervention séparée, une bonne gestion des déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI) et des objets piquants coupants tranchants (OPCT) et un autoclave pour stériliser le matériel. A défaut d’investir dans un autoclave, on peut privilégier le matériel à usage unique.L’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé) a publié des recommandations pour la pratique clinique en ce qui concerne la prise en charge du carcinome basocellulaire de l’adulte (juin 2004) et il existe également les SOR (Standards, Options, Recommandations) pour la prise en charge du mélanome cutané (2005). La grande majorité des tumeurs peuvent être traitées au cabinet, mais les cas limites où il faut savoir passer la main sont aussi bien définis. Une étude prospective réalisée entre 2002 et 2003 par le groupe chirurgical de la SFD a été publiée (1,2). Il en ressort que la plupart des lésions ont pu être traitées avec des procédés de réparation très simples. Cette étude confirme également que la pratique de la chirurgie dermatologique au cabinet se fait dans d’excellentes conditions de sécurité et avec un faible coût économique. Les complications hémorragiques ou infectieuses dommageables, nécessitant un traitement complémentaire dont ré-intervention et antibiothérapie, n’ont représenté au total que 0,6 % des cas. Nos confrères dermatologues doivent donc être aujourd’hui convaincus que les actes de chirurgie carcinologique cutanée sont majoritairement réalisables au cabinet ».

- Ces contraintes de sécurité, ainsi que d'autres obstacles font que de nombreux dermatologues conventionnés rechignent à pratiquer la chirurgie dermatologique...
Dr Patrick GUILLOT
« Effectivement, il faudrait que cette chirurgie dermatologique soit reconnue à sa juste valeur. Pour de nombreux dermatologues exerçant en secteur 1, elle est difficile à réaliser pour des raisons de coût. On estime que le prix de revient moyen d’une intervention au cabinet est d’environ 45 euros (matériel, consommables, stérilisation, etc….) alors que l’exérèse d’une tumeur superficielle est gratifiée de 28,80 euros seulement et que la valeur du FSD (forfait sécurité dermatologie) est pour l’instant très insuffisante pour l’exérèse des tumeurs de grande taille. Cela pose un véritable problème, sachant que même à l’hôpital public il faut également tenir compte de la tarification à l’activité, le système risquant d’inciter les hôpitaux à se spécialiser dans les actes les plus faciles à réaliser ou les plus rémunérateurs ; c’est donc un système pervers, générateur d’exclusion de malades. Il existe encore de nombreuses incohérences dans la tarification des actes techniques. Le Groupe Chirurgical de la SFD s’est engagé de concert avec le Syndicat des Dermatologues pour tenter de faire corriger ces aberrations.

- Pour ceux d'entre eux que vous avez fait changer d'avis, comment peuvent-ils se former à la chirurgie dermatologique ?
Dr Patrick GUILLOT
« Les dermatologues sont demandeurs d’un enseignement chirurgical à la fois théorique et pratique. Il y a peu encore, l’enseignement de la chirurgie dermatologique n’était pas suffisamment étoffé dans le cursus de base. C’est ainsi que certains dermatologues n’osent pas la pratiquer et confient trop souvent leurs patients aux chirurgiens, parfois même pour une simple biopsie ! Le collège des enseignants en Dermatologie de France (CEDEF) a incorporé après l’expérience pilote bordelaise, un module chirurgical à l’intérieur de la maquette du Diplôme d’Enseignement Spécialisé de Dermatologie. Ce module chirurgical figure donc désormais sur le livret de l’interne et donne de ce fait une lisibilité chirurgicale à notre spécialité. Cet enseignement obligatoire a pour but de valider les gestes techniques d’initiation par des dermatologues seniors. Depuis 2000, existe également un diplôme inter-universitaire national (DIU) de dermatologie chirurgicale. Il se déroule sur un an avec un enseignement théorique, des travaux pratiques sur sujets anatomiques, et au sein des blocs opératoires en clinique ou à l’hôpital, ainsi qu’en cabinet libéral. Chaque année, une quarantaine de candidats s’inscrit. Par ailleurs, les ateliers de dermatologie chirurgicale des Journées Dermatologiques de Paris proposent des formations de niveau 1 (débutant) et niveau 2 (confirmé). L’audio-visuel représentant aujourd’hui un formidable outil pédagogique, un DVD d’enseignement complètement inédit et novateur permet un « compagnonnage virtuel », des extraits sont consultables sur le site internet de la SFD.Enfin, un rapport de la Haute Autorité de Santé (HAS) à propos des « conditions de réalisation des actes d’exérèse de lésions superficielles de la peau » a été publié en juillet 2007 et a valeur officielle de reconnaissance du caractère médico-chirurgical de la dermatologie, au même titre que d’autres spécialités. Il y est précisé également que la formation de chirurgie cutanée fait partie de la formation initiale de différentes spécialités, principalement de dermatologie, de chirurgie plastique et réparatrice, de chirurgie générale, d’ORL et de chirurgie maxillo-faciale.

- Mais il n'y a pas que la chirurgie dans la prise en charge des cancers de la peau : quelle est la place des traitements non chirurgicaux ?
Dr Patrick GUILLOT
« Les traitements non chirurgicaux (imiquimod, photothérapie dynamique, cryochirurgie, radiothérapie…) ont leurs indications. Mais, même lorsque les patients sont âgés ou sous anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires, la chirurgie doit rester le traitement de première intention. D’autant, qu’il est maintenant acquis qu’il n’est plus nécessaire d’arrêter systématiquement les anticoagulants ou les antiagrégants avant une chirurgie cutanée car cela peut entraîner des accidents thrombotiques sévères, beaucoup plus difficiles à gérer que d’éventuelles complications hémorragiques. »

1-A prospective study of the incidence of complications associated with dermatological surgery. Amici J-M, Rogues A-M, Lasheras A, Gachie J-P, Guillot P, Beylot C, Thomas L, Taïeb A. Br J Dermatol 2005 ; 153: 967-71

2-Rogues A-M, Lasheras A, Amici J-M, Guillot P, Beylot C, Taïeb A, Gachie J-P. Infection control practices and infectious complications in dermatological surgery. J Hosp Infect 2007; 65: 258-63

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.